CENPA-315~03 |
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2* PRESENCE AFRICAINE « L'on n'en est décisément pas à une contradiction près dans cette province portugaise, où une classe de citoyens — « les indigènes » — n'a pas, bien que rien ne l'indique, accès dans les lieux publics. « Les Portugais fournissent chaque année 100.000 « travailleurs volontaires » aux mines d'or du Transvaal, 40.000 à la Rhodèsie. Ces bons offices de sergent recruteur leur rapportent à chaque livraison la contrevalcur en or correspondant à 1 milliard de francs. « Lisbonne, demeurée à la conception coloniale de Vasco de Gama, entend que ses territoires lui rapportent au lieu d'être un poste déficitaire dans son budget. Les cultures du Mozambique, aux procédés antiques, envoient tout de même à la métropole de précieuses devises étrangères. Le coût de la main-d'œuvre indigène est en effet dérisoire et le Portugal achète en bloc, par exemple, toute la production de coton du pays à un cours ridiculement inférieur aux cours mondiaux, pour le revendre ensuite au profit du budget métropolitain. « Ici, sur place, ce système nous n'en voyons pas bien les vertus. Nous le trouvons déconcertant, adapté à un autre siècle. A un paternalisme archaïque, fondé sur le travail forcé, les châtiments corporels, l'exploitation assez cynique de l'autochtone que, faute d'écoles, il ne fait presque rien pour éduquer. Tout cela compensé, excusé par le fait qu'aucune discrimination raciale n'est légalement possible dans ce Portugal, qui, en faisant de l'Angola et du Mozambique des provinces, s'est tranquillement redéfini en 1951 comme une puissance afro-européenne. « Aucun colonisateur ne peut en apporter plus qu'il n'en a en soi, nous dit durement un étranger installé ici depuis longtemps. Ce n'est pas le pays de M. Salazar qui révélera aux Africains le progrès, la liberté, la démocratie. Ce n'est pas un Portugal qui économiquement en est encore au siècle dernier, qui introduira ici des solutions modernes. Tout ce qu'il peut faire, c'est tenter désespérément d'éviter la contagion des idées progressistes, aussi longtemps qu'il le pourra » (souligné par nous, C. M.). Et Pierre et Renée Gossct d'ajouter : « C'est, bien entendu, une lutte perdue d'avance. » Nous avons tenu à transcrire de si longs passages car les faits cités sont rapportés par des personnes certes peu « suspectes », et surtout parce qu'ils sont conformes à la réalité et apportent un démenti formel aux multiples déclarations des responsables portugais. En vérité, l'assimilation réussie, l'intégration dans la nation portugaise, le libéralisme racial, la promotion sociale, sont autant de mensonges qui aveuglent ou éclairent l'observateur le moins prévenu. Les « provinces » restent toujours des colonies. Le moindre emploi dans l'administration — sauf, peut-être celui de plan- U1 PORTUGAL ET COLONIES D'ANGOLA ET GUINEE 29 ton — est réservé aux Blancs. L'analphabétisme est de l'ordre de 97 à 99 % parmi les Africains. L'absence de conflits politiques »< est aussi un mensonge qui ne résiste guère une fois levé le « black-out », voulu et organisé aux colonies par le gouvernement portugais ». 11 en est cependant pour ne pas nier complètement l'existence de luttes politiques. C'est pour mieux atïirmcr, tel le cardinal archevêque de Lourenço Marques, que malgré les « convulsions » l'Europe restera en Afrique, car, ajoute-t-il, « des convulsions, l'histoire en a toujours connues8 ». D'aucuns attribuent ces « convulsions » aux vents subversifs et incendiaires de l'extérieur. C'est ce que faisait dans un de ce.» récents discours, le chef du gouvernement portugais, M. Salazar. Mais la réalité est tout autre. Disons-le clairement, économiquement et sociologiquement, les rapports entre le Portugal et les « provinces d'outre-mer >• sont de type colonial. Les « provinces » demeurant des « colonies ». Aussi était-il impossible que les colonies portugaises ne se mettent, elles aussi, à « bouger ». Les idées et les mouvements d'émancipation politique et sociale ne pouvaient pas ne pas se faire également jour dans les territoires sous domination portugaise. Le système colonial portugais est, lui aussi, mis en question. Cette mise en question du colonialisme portugais n'est pas seulement due à des influences extérieures comme le prétendent les autorités portugaises, mais aussi à des forces endogènes. Il faut cependant souligner l'interaction entre ces deux courants, car les événements afro-asiatiques île ces dernières années ont suscité l'éclosion de manifestations anticolonialistes dans les colonies portugaises. Pour illustrer ceci, nous rappellerons seulement la ^rl'\c des dockers du port de Lourenço Marques en 1951, à la suite de laquelle les hommes « désignés » comme meneurs furent internés dans des camps de concentration; l'affaire de l'île de S. Tome, en 1953, connue sous le nom de « massacre de S. Tome », et les événements qui se sont déroulés récemment en Guinée portugaise et en Angola. Mais écoutons plutôt le délégué de 1' « Union des populations de l'Angola » (U.P.A.), à la conférence des peuples qui s'est tenue a Accra en décembre 195S : « Depuis sa création en 1954, PU.P.A. mène activement une lutte constante. En décember 1955, le mécon- "ntement général du peuple s'est exprimé par des manifestations publiques dans lesquelles le nord du pays a systématiquement pris position contre le travail forcé et autres abus. En février 1956, les autorités portugaises emprisonnent et déportent en masse. Ambro- 8. Pierre el Rente Gossf.t, Le Figaro, 21-iJ novembre 1957.
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Title | CENPA-315~03 |
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Full text | 2* PRESENCE AFRICAINE « L'on n'en est décisément pas à une contradiction près dans cette province portugaise, où une classe de citoyens — « les indigènes » — n'a pas, bien que rien ne l'indique, accès dans les lieux publics. « Les Portugais fournissent chaque année 100.000 « travailleurs volontaires » aux mines d'or du Transvaal, 40.000 à la Rhodèsie. Ces bons offices de sergent recruteur leur rapportent à chaque livraison la contrevalcur en or correspondant à 1 milliard de francs. « Lisbonne, demeurée à la conception coloniale de Vasco de Gama, entend que ses territoires lui rapportent au lieu d'être un poste déficitaire dans son budget. Les cultures du Mozambique, aux procédés antiques, envoient tout de même à la métropole de précieuses devises étrangères. Le coût de la main-d'œuvre indigène est en effet dérisoire et le Portugal achète en bloc, par exemple, toute la production de coton du pays à un cours ridiculement inférieur aux cours mondiaux, pour le revendre ensuite au profit du budget métropolitain. « Ici, sur place, ce système nous n'en voyons pas bien les vertus. Nous le trouvons déconcertant, adapté à un autre siècle. A un paternalisme archaïque, fondé sur le travail forcé, les châtiments corporels, l'exploitation assez cynique de l'autochtone que, faute d'écoles, il ne fait presque rien pour éduquer. Tout cela compensé, excusé par le fait qu'aucune discrimination raciale n'est légalement possible dans ce Portugal, qui, en faisant de l'Angola et du Mozambique des provinces, s'est tranquillement redéfini en 1951 comme une puissance afro-européenne. « Aucun colonisateur ne peut en apporter plus qu'il n'en a en soi, nous dit durement un étranger installé ici depuis longtemps. Ce n'est pas le pays de M. Salazar qui révélera aux Africains le progrès, la liberté, la démocratie. Ce n'est pas un Portugal qui économiquement en est encore au siècle dernier, qui introduira ici des solutions modernes. Tout ce qu'il peut faire, c'est tenter désespérément d'éviter la contagion des idées progressistes, aussi longtemps qu'il le pourra » (souligné par nous, C. M.). Et Pierre et Renée Gossct d'ajouter : « C'est, bien entendu, une lutte perdue d'avance. » Nous avons tenu à transcrire de si longs passages car les faits cités sont rapportés par des personnes certes peu « suspectes », et surtout parce qu'ils sont conformes à la réalité et apportent un démenti formel aux multiples déclarations des responsables portugais. En vérité, l'assimilation réussie, l'intégration dans la nation portugaise, le libéralisme racial, la promotion sociale, sont autant de mensonges qui aveuglent ou éclairent l'observateur le moins prévenu. Les « provinces » restent toujours des colonies. Le moindre emploi dans l'administration — sauf, peut-être celui de plan- U1 PORTUGAL ET COLONIES D'ANGOLA ET GUINEE 29 ton — est réservé aux Blancs. L'analphabétisme est de l'ordre de 97 à 99 % parmi les Africains. L'absence de conflits politiques »< est aussi un mensonge qui ne résiste guère une fois levé le « black-out », voulu et organisé aux colonies par le gouvernement portugais ». 11 en est cependant pour ne pas nier complètement l'existence de luttes politiques. C'est pour mieux atïirmcr, tel le cardinal archevêque de Lourenço Marques, que malgré les « convulsions » l'Europe restera en Afrique, car, ajoute-t-il, « des convulsions, l'histoire en a toujours connues8 ». D'aucuns attribuent ces « convulsions » aux vents subversifs et incendiaires de l'extérieur. C'est ce que faisait dans un de ce.» récents discours, le chef du gouvernement portugais, M. Salazar. Mais la réalité est tout autre. Disons-le clairement, économiquement et sociologiquement, les rapports entre le Portugal et les « provinces d'outre-mer >• sont de type colonial. Les « provinces » demeurant des « colonies ». Aussi était-il impossible que les colonies portugaises ne se mettent, elles aussi, à « bouger ». Les idées et les mouvements d'émancipation politique et sociale ne pouvaient pas ne pas se faire également jour dans les territoires sous domination portugaise. Le système colonial portugais est, lui aussi, mis en question. Cette mise en question du colonialisme portugais n'est pas seulement due à des influences extérieures comme le prétendent les autorités portugaises, mais aussi à des forces endogènes. Il faut cependant souligner l'interaction entre ces deux courants, car les événements afro-asiatiques île ces dernières années ont suscité l'éclosion de manifestations anticolonialistes dans les colonies portugaises. Pour illustrer ceci, nous rappellerons seulement la ^rl'\c des dockers du port de Lourenço Marques en 1951, à la suite de laquelle les hommes « désignés » comme meneurs furent internés dans des camps de concentration; l'affaire de l'île de S. Tome, en 1953, connue sous le nom de « massacre de S. Tome », et les événements qui se sont déroulés récemment en Guinée portugaise et en Angola. Mais écoutons plutôt le délégué de 1' « Union des populations de l'Angola » (U.P.A.), à la conférence des peuples qui s'est tenue a Accra en décembre 195S : « Depuis sa création en 1954, PU.P.A. mène activement une lutte constante. En décember 1955, le mécon- "ntement général du peuple s'est exprimé par des manifestations publiques dans lesquelles le nord du pays a systématiquement pris position contre le travail forcé et autres abus. En février 1956, les autorités portugaises emprisonnent et déportent en masse. Ambro- 8. Pierre el Rente Gossf.t, Le Figaro, 21-iJ novembre 1957. |
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