CENPA-314~05 |
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210 PRÉSENCE AFRICAINE continuait sous les pressions du Pide ; je suis accusé par le Ministère Public d'avoir outragé les Institutions de la République Portugaise et la dignité nationale, parce que dans un des poèmes de mon livre Poemas do tempo présente, saisi par la police politique en 1960, j'avais écrit « ceux qui naîtront plus tard, ne doivent pas crier, humiliés, « bayete, bayete bayete la capulana (2) rouge et verte ». Un de mes témoins à affirmé que « capulana » ne pouvait pas être interprété péjorativement, car ce n'est qu'une pièce vestimentaire respectée parmi les Africains, et d'autant plus richement ornée que la femme à qui elle est destinée occupe une position sociale élevée. Dans la cérémonie de « Lokolo » le fiancé remet à la mère de la fiancée, selon un rite traditionnel, une « capulana » en marque de respect, afin qu'elle recouvre le digne corps où la fiancée a été conçue. 30 mai 1962 ; Selon le délégué du Ministère Public la « capulana » est un costume absolument rudimentaire, porté par des femmes africaines, un costume qu'on place entre le sari et la jupe. Et le délégué ajouta que, moi, l'auteur du poème, j'affirmais qu'il était humiliant pour un Africain de saluer le drapeau national portugais. Le Délégué du Ministère Public perdit le calme pendant l'interrogatoire que le Juge Mota Ferreira faisait subir aux interprètes de langue ronga employés au même Tribunal, et au poète José Craveirinha. Il quitta brusquement la salle, et ne revint que peu avant la fin de la séance. Tout me pousse à croire que le juge me fera justice et m'acquittera, indépendem- ment de toutes les pressions que la Pide puisse exercer sur lui à travers le Procureur de la République. Carlos fit une défense brillante, et je suis heureux de l'avoir pris pour avocat dans le « Procès des 14 » qui traîne depuis longtemps. Jusqu'à quand devrons-nous attendre le Jugement ? D'un côté c'est une bonne chose qu'on nous ait refusé IV Habeas corpus ». Cette prison est une grande expérience pour moi. 6 juin 1962 : Fernando Magalhaes, reporter de « Tribuna », et Mario Barradas, de « Noticias », avec qui j'ai pu parler hier à la fin du procès, ont publié aujourd'hui une relation de la dernière séance. Le juge Mota Ferreira déclara dans sa sentence que « lorsque le poète, en écrivant son poème à la ville de Lourenço (2) Bayete, signifie en ronga, salut, vive ; capulana, dans la même langue désigne une pièce de tissu pour l'habillement des femmes. JOURNAL DE PRISON 211 Marques en 1954, qui constituait maintenant la pièce à conviction de l'accusation, et en présentant comme humiliés ceux qui humblement saluaient à l'époque le drapeau national, manifeste simultanément l'espérance que dans le futur cela ne se reproduise pas ». Le juge reconnut que le fait que le mot « capulana » était très utilisé par les poètes mozambicains d'expression portugaise, « prouve que c'est un terme que ces poètes considèrent comme ayant un sens spécial ». Je fus acquitté. Ce fut Noemia de Souza, notre inoubliable camarade maintenant en exil à Lisbonne, qui utilisa cette expression pour la première fois. Et, de 1950 à nos jours, cette constante de l'humiliation ressentie par l'Africain à devoir saluer le drapeau portugais, ne s'est pas démentie. Mais qui, parmi les colons blancs, ignore que l'Africain est obligé par l'Administrateur ou par le Chefe de posto (Chef de canton) à crier à pleins poumons : bayete, bayete bayete, aussi bien devant le drapeau national que devant les gouverneurs généraux, de dislrict, présidents de la République, entités officielles ou simples particuliers étrangers ? Qui ignore encore qu'il se sent réellement humilié par ce qu'on l'oblige à faire ? Je me rappelle, encore, mes longs voyages en voiture à travers le Zambèze, le Mozambique, Niassa et Cabo Delgado et de la tristesse qui m'envahissait, quand, au passage de l'auto, non seulement les hommes et les femmes, mais aussi des enfants de cinq à six ans s'arrêtaient et levaient le bras, faisant le salut fasciste que Salazar avait introduit au Portugal. L'enquête que je fis dans ces régions me révéla que tout Africain qui ne saluait pas un blanc, passant dans son automobile, était puni ou mis en prison par l'Autorité Administrative. Le but inavoué de cette imposition était de prouver aussi bien aux gouverneurs généraux ou de district, qu'aux inspecteurs envoyés par le gouvernement de la métropole, que les populations africaines n'éprouvaient aucun ressentiment envers le blanc, et qu'elles respectaient les autorités. Pauvres administrateurs qui se leurrent eux-mêmes, oubliant que le gouvernement est parfaitement conscient que le respect est seulement apparent, et d'autant plus dangereux qu'il n'est maintenu que par la force et sous la répression. Les centaines de prisonniers politiques répartis dans les prisons des centres urbains, ou des administrations, sont la preuve irréfutable que le peuple mozambicain veut se libérer de l'oppression coloniale. La politique coloniale de Salazar est une farce honteuse, à laquelle collabore le peuple portugais quand il s'établit dans les territoires sous domination portugaise. Au loin, dans le Portugal continental, que l'Europe elle-même connaît mal, les gens du peuple, humbles et résignés, sont aussi réduits à l'esclavage par un régime fasciste. Un genre de régime dont d'autres peuples ( . i ; j
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Full text | 210 PRÉSENCE AFRICAINE continuait sous les pressions du Pide ; je suis accusé par le Ministère Public d'avoir outragé les Institutions de la République Portugaise et la dignité nationale, parce que dans un des poèmes de mon livre Poemas do tempo présente, saisi par la police politique en 1960, j'avais écrit « ceux qui naîtront plus tard, ne doivent pas crier, humiliés, « bayete, bayete bayete la capulana (2) rouge et verte ». Un de mes témoins à affirmé que « capulana » ne pouvait pas être interprété péjorativement, car ce n'est qu'une pièce vestimentaire respectée parmi les Africains, et d'autant plus richement ornée que la femme à qui elle est destinée occupe une position sociale élevée. Dans la cérémonie de « Lokolo » le fiancé remet à la mère de la fiancée, selon un rite traditionnel, une « capulana » en marque de respect, afin qu'elle recouvre le digne corps où la fiancée a été conçue. 30 mai 1962 ; Selon le délégué du Ministère Public la « capulana » est un costume absolument rudimentaire, porté par des femmes africaines, un costume qu'on place entre le sari et la jupe. Et le délégué ajouta que, moi, l'auteur du poème, j'affirmais qu'il était humiliant pour un Africain de saluer le drapeau national portugais. Le Délégué du Ministère Public perdit le calme pendant l'interrogatoire que le Juge Mota Ferreira faisait subir aux interprètes de langue ronga employés au même Tribunal, et au poète José Craveirinha. Il quitta brusquement la salle, et ne revint que peu avant la fin de la séance. Tout me pousse à croire que le juge me fera justice et m'acquittera, indépendem- ment de toutes les pressions que la Pide puisse exercer sur lui à travers le Procureur de la République. Carlos fit une défense brillante, et je suis heureux de l'avoir pris pour avocat dans le « Procès des 14 » qui traîne depuis longtemps. Jusqu'à quand devrons-nous attendre le Jugement ? D'un côté c'est une bonne chose qu'on nous ait refusé IV Habeas corpus ». Cette prison est une grande expérience pour moi. 6 juin 1962 : Fernando Magalhaes, reporter de « Tribuna », et Mario Barradas, de « Noticias », avec qui j'ai pu parler hier à la fin du procès, ont publié aujourd'hui une relation de la dernière séance. Le juge Mota Ferreira déclara dans sa sentence que « lorsque le poète, en écrivant son poème à la ville de Lourenço (2) Bayete, signifie en ronga, salut, vive ; capulana, dans la même langue désigne une pièce de tissu pour l'habillement des femmes. JOURNAL DE PRISON 211 Marques en 1954, qui constituait maintenant la pièce à conviction de l'accusation, et en présentant comme humiliés ceux qui humblement saluaient à l'époque le drapeau national, manifeste simultanément l'espérance que dans le futur cela ne se reproduise pas ». Le juge reconnut que le fait que le mot « capulana » était très utilisé par les poètes mozambicains d'expression portugaise, « prouve que c'est un terme que ces poètes considèrent comme ayant un sens spécial ». Je fus acquitté. Ce fut Noemia de Souza, notre inoubliable camarade maintenant en exil à Lisbonne, qui utilisa cette expression pour la première fois. Et, de 1950 à nos jours, cette constante de l'humiliation ressentie par l'Africain à devoir saluer le drapeau portugais, ne s'est pas démentie. Mais qui, parmi les colons blancs, ignore que l'Africain est obligé par l'Administrateur ou par le Chefe de posto (Chef de canton) à crier à pleins poumons : bayete, bayete bayete, aussi bien devant le drapeau national que devant les gouverneurs généraux, de dislrict, présidents de la République, entités officielles ou simples particuliers étrangers ? Qui ignore encore qu'il se sent réellement humilié par ce qu'on l'oblige à faire ? Je me rappelle, encore, mes longs voyages en voiture à travers le Zambèze, le Mozambique, Niassa et Cabo Delgado et de la tristesse qui m'envahissait, quand, au passage de l'auto, non seulement les hommes et les femmes, mais aussi des enfants de cinq à six ans s'arrêtaient et levaient le bras, faisant le salut fasciste que Salazar avait introduit au Portugal. L'enquête que je fis dans ces régions me révéla que tout Africain qui ne saluait pas un blanc, passant dans son automobile, était puni ou mis en prison par l'Autorité Administrative. Le but inavoué de cette imposition était de prouver aussi bien aux gouverneurs généraux ou de district, qu'aux inspecteurs envoyés par le gouvernement de la métropole, que les populations africaines n'éprouvaient aucun ressentiment envers le blanc, et qu'elles respectaient les autorités. Pauvres administrateurs qui se leurrent eux-mêmes, oubliant que le gouvernement est parfaitement conscient que le respect est seulement apparent, et d'autant plus dangereux qu'il n'est maintenu que par la force et sous la répression. Les centaines de prisonniers politiques répartis dans les prisons des centres urbains, ou des administrations, sont la preuve irréfutable que le peuple mozambicain veut se libérer de l'oppression coloniale. La politique coloniale de Salazar est une farce honteuse, à laquelle collabore le peuple portugais quand il s'établit dans les territoires sous domination portugaise. Au loin, dans le Portugal continental, que l'Europe elle-même connaît mal, les gens du peuple, humbles et résignés, sont aussi réduits à l'esclavage par un régime fasciste. Un genre de régime dont d'autres peuples ( . i ; j |
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