CENPA-314~02 |
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204 PRÉSENCE AFRICAINE plaidoirie d'une équipe d'avocats du Collège d'Avocats de Lourenço Marques. Virgilio de Lemos fut libéré aussi, car son temps de détention couvrait celui de sa condamnation. Il fut également condamné à la perte des droits politiques pendant cinq ans. Les extraits de son journal fournissent une vue particulière mais élargie, du phénomène colonial portugais. Un de ses aspects principaux est la ségrégation raciale, que le gouvernement portugais s'acharne à nier. Dans ses activités journalistiques comme dans sa vie d'homme et d'écrivain, Virgilio de Lemos a toujours lutté au Mozambique pour l'élimination des barrières raciales et pour le respect et la dignité de l'homme de couleur. Il est auteur d'un recueil, « Poemas do tempo Présente » (Mozambique) ; de « Contribution pour l'étude d'une poésie afro-mozambicaine », et d'un ouvrage, « Angola et Mozambique, Révolution et Esclavage », à paraître aux éditions oc Présence Africaine ». P.A. • 6 octobre 1961 : Aujourd'hui on m'a laissé tranquille dans ma cellule. Elle doit avoir approximativement 3,50 m de long et 1,50 m de large. Je m'oblige à la parcourir, et à exercer ma pensée en même temps. A travers les barreaux de fer de la fenêtre, j'entends trois enfants qui jouent avec leur cerf-volant, complètement absorbés par son évolution dans l'espace. Plus loin, la mer, l'entrée de la baie, et le contour des îles Xefina et Inhaca. Je m'efforce à imaginer la vie des trois enfants, ce qu'on leur enseigne à l'école primaire, puis dans les lycées, les écoles techniques, à l'Université. Je pense à la formation mentale d'une minorité de jeunes, composée de blancs, métis (afro-indiens, afro-chinois, afro-européens) et des noirs <c assimilés », calquée sur le patron officiel, imposé au Portugal. Je pense à l'impasse consciemment réservée à la majorité de la jeunesse africaine, et aux limitations du secteur minoritaire privilégié lui-même... Les crises de personnalité qui se vérifient dans les dernières années de lycée, ou à l'Université. Je pense encore aux intellectuels en marge, émergeant à peine de cette jeunesse, les uns uniquement concernés par le problème de la terre et de ses majorités africaines, les autres complètement isolés dans l'unité culturelle européenne. Je pense de même à ceux qui, tout en n'étant pas noirs, acceptent comme la leur, la praxis de l'homme noir mozambicain, partageant ses souffrances d'homme JOURNAL DE PRISON 205 aliéné. C'est cette dernière position que j'ai assumée, comme homme et comme écrivain, ne pouvant pas être indifférent dans ce climat social d'oppression, où les privilèges n'existent que pour une minorité réduite. Alors que d'autres intellectuels de ma génération se limitent à leur activité littéraire, importante naturellement, moi je me suis déridé pour l'action pratique, parmi le sous-prolétariat des villes et des grandes plantations. La jeunesse africaine représente un pourcentage élevé de ce sous-prolétariat, dont le travail est la base de l'économie du pays. Les missions catholiques qui ont le monopole d'un enseignement rudimentaire, se sont chargées, pendant quatre ou cinq ans, de sa formation mentale. Mais cette jeunesse est obligée de quitter très vite l'école des Missions, pour travailler dans les plantations, les petites industries, les centres urbains ou les mines et plantations des pays limitrophes. Elle n'a guère le temps de vivre son adolescence, elle devient vite adulte, victime de l'aliénation que tous subissent. Mais les barrières pour l'isoler de la révolution en marche dans les pays voisins, sont déjà insuffisantes. Un des bienfaits de la civilisation européenne, c'est la radio, et c'est par elle que la jeunesse Mozambicaine assiste à la lutte pour l'indépendance, la justice et la liberté dans tout le continent africain. C'est vrai, notre jeunesse n'est pas suffisamment politisée, mais la conscience de son aliénation peut devenir une conscience révolutionnaire. C'est le seul chemin qui lui reste à prendre pour se libérer de la tutelle du colon. 12 novembre 1961 : C'est hier qu'a pris fin le quatrième interrogatoire. On est venu me chercher à la cellule le 4, à 23 heures. On me fit monter dans une « jeep », entre deux agents, et on me conduisit au quartier général de la Pide. C'était une nouvelle séance de torture qui m'attendait : la torture de la statue. Voici en quoi cela consiste : on vous fait entrer dans une cellule qui doit à peine mesurer 4 m2. On doit se tenir debout. On ne peut ni bouger, ni s'asseoir ni se coucher. On me garda ainsi sept nuits et sept jours, avec de brèves interruptions pour manger ou pour satisfaire les « besoins naturels ». Hier, ce fut l'Inspecteur lui-même qui m'interrogea jusqu'à 5 heures du matin. Quand il me laissa, je m'évanouis. A 7 ou 8 heures du matin, un « bon agent » vint me trouver. C'est le genre d'agents qu'on envoie aux torturés après une séance particulièrement violente, pour essayer de leur extorquer une « confession ». Ce ce bon agent » me suggéra de me raser la barbe et les moustaches qui me donnaient un aspect trop « révolutionnaire », à la Fidel Castro, et
Object Description
Description
Title | CENPA-314~02 |
Filename | CENPA-314~02.tiff |
Full text |
204
PRÉSENCE AFRICAINE
plaidoirie d'une équipe d'avocats du Collège d'Avocats de Lourenço Marques. Virgilio de Lemos fut libéré aussi, car son
temps de détention couvrait celui de sa condamnation. Il fut
également condamné à la perte des droits politiques pendant
cinq ans.
Les extraits de son journal fournissent une vue particulière
mais élargie, du phénomène colonial portugais. Un de ses aspects
principaux est la ségrégation raciale, que le gouvernement portugais s'acharne à nier. Dans ses activités journalistiques comme
dans sa vie d'homme et d'écrivain, Virgilio de Lemos a toujours
lutté au Mozambique pour l'élimination des barrières raciales
et pour le respect et la dignité de l'homme de couleur.
Il est auteur d'un recueil, « Poemas do tempo Présente »
(Mozambique) ; de « Contribution pour l'étude d'une poésie
afro-mozambicaine », et d'un ouvrage, « Angola et Mozambique,
Révolution et Esclavage », à paraître aux éditions oc Présence
Africaine ».
P.A.
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6 octobre 1961 :
Aujourd'hui on m'a laissé tranquille dans ma cellule.
Elle doit avoir approximativement 3,50 m de long et 1,50 m
de large. Je m'oblige à la parcourir, et à exercer ma pensée
en même temps. A travers les barreaux de fer de la fenêtre,
j'entends trois enfants qui jouent avec leur cerf-volant, complètement absorbés par son évolution dans l'espace. Plus loin,
la mer, l'entrée de la baie, et le contour des îles Xefina et
Inhaca. Je m'efforce à imaginer la vie des trois enfants, ce qu'on
leur enseigne à l'école primaire, puis dans les lycées, les écoles
techniques, à l'Université. Je pense à la formation mentale d'une
minorité de jeunes, composée de blancs, métis (afro-indiens,
afro-chinois, afro-européens) et des noirs |
Archival file | Volume28/CENPA-314~02.tiff |